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Causerie

Cette semaine a lieu dans toutes les communes de France le tirage au sort de la classe 1891. Les hommes de cette classe sont des enfants nés pendant la guerre et qui, aujourd'hui, font pour la première fois acte de citoyen.

Saluons cette génération issue du désespoir et de la défaite et qui, le coeur plein cependant d'une irréductible espérance sera activement mêlée aux revanches futures.

Cette génération est plus faible que ses aînées; elle est moins nombreuse que ses cadettes. Sous le coup des calamités nationales, les unions sont devenues moins fréquentes en France, et nous avons, cette année, soixante-dix-sept mille femmes et soixante mille hommes de moins qui aient vingt ans!

Ajoutons à cela que les enfants venus alors au monde ont souffert, avant même que de naître, des angoisses, des tortures et des privations de leurs mères ; puis, quand leurs yeux se sont ouverts, quand leurs premiers cris se sont fait entendre, ce fut au milieu du vacarme des batailles, au milieu des douleurs ineffaçables.

Cependant — toute réduite quelle soit — cette classe va servir à son tour la patrie. Elle apportera dans les casernes, dans les camps, aux manoeuvres, nous ne savons quelle effigie saisissante, nous ne savons quel rappel tragique des griefs, des mutilations et des inexprimables espoirs de notre France.

Saluons avec espérance ces nouveaux venus de l'armée qui ont eu tant de sang sur leurs bavettes, et qui doivent attendre avec impatience, le jour où il leur sera permis de le laver.

Ils aimeront doublement la France, ces soldats de demain; ils l'aimeront comme des enfants qui ont grandi auprès d'un foyer en deuil aiment une mère dont ils ont vu couler les larmes.

Souhaitons leur donc de participer aux revanches que l'avenir nous ménage si nous savons rester dignes de nous-mêmes.

Il paraît que parmi les conséquences imprévues du nouveau tarif douanier va figurer, à brève échéance, une notable augmentation du prix des bocks.

S'il faut en croire, nos confrères de Paris les buveurs de bière de la capitale sont dans la désolation. A dater de ce jour, ils vont être obligés de payer trente-cinq centimes ce qui jadis ne leur coutait que six sous.

Les amateurs qui, chaque soir, en l'honneur de Gambrinus, dressent de petites colonnes de soucoupes, supputent que toute cette petite porcelaine votive finira par leur coûter beaucoup d'argent.

Quant aux marchands et entrepositaires de bières allemandes vous pensez s'ils feignent de geindre. A les entendre, c'en est fait de leur débit journalier à Paris. Il ne leur reste plus qu'à choisir entre ces deux alternatives : ou augmenter le prix des consommations, ou fermer leurs robinets.

Nous n'avons pas besoin de dire que, sans aucune espèce d'hésitation, ils ont immédiatement opté pour la première hypothèse. C'est le consommateur qui paiera.

A cet égard, il ne nous déplairait pas que les marchands de bière allemande augmentassent encore le prix de leurs bocks, qu'ils les vendent cinquante et soixante centimes si le coeur leur en dit. Nous n'y verrons aucun mal, bien au contraire !

On boira un peu moins de bière de Munich et ce sera tout profit pour nos brasseurs français.

Vous savez déjà que le quartier du Gourguillon, le plus paisible de Lyon, tout rempli de vieux souvenirs, et qui a donné son nom à une Académie fameuse, a été dans la nuit de samedi à dimanche dernier, le théâtre d'un crime épouvantable, entouré, encore à cette heure, de circonstances mystérieuses.

Une femme de moeurs équivoques, Clotilde Berthéas, a été étranglée après avoir soutenu une lutte terrible avec son assassin.

M. Ramondene a lancé ses plus fins limiers sur les traces de ce dernier. Espérons qu'il parviendra à lui mettre la main dessus et que le crime de la montée du Gourguillon ne viendra pas s'ajouter à la liste déjà trop longue des crimes commis à Lyon pendant ces dernières années et qui sont restés impunis.

Pour terminer, une bien jolie histoire : On raconte qu'un certain baron D..., célibataire, avait dernièrement mis la main sur une bonne dont il disait merveille. Ordre, économie, propreté, elle avait tout pour elle.

Il dînait chez lui avec deux ou trois amis, quand la perle des servantes entre dans la salle à manger, le doigt enveloppé d'un morceau de toile. Monsieur, demande-t-elle, vos couverts sont-ils en argent ? Pourquoi cela, mon enfant? C'est que je viens de me piquer avec une fourchette, et si je savais qu'elle fût en cuivre, je descendrais chez le pharmacien... Avec un peu d'acide phénique, j'éviterais tout accident. Soyez tranquille, dit le baron, mes couverts sont en argent. Ah ! tant mieux, fit la bonne avec satisfaction.

Et le lendemain, elle disparaissait avec l'argenterie.

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